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Le tribunal a tranché en faveur de la liberté d’expression, mais le ministère public s’acharne

free speech
  • Malgré le jugement unanime par lequel la parlementaire finlandaise Päivi Räsänen et l’évêque Pohjola ont été acquittés de toutes les charges, l’affaire n’est pas close
  • Le ministère public a jusqu’au 30 avril pour interjeter appel dans l’affaire de la parlementaire poursuivie à cause d’un tweet biblique

HELSINKI (le 6 avril 2022) – Apparemment, la décision unanime de la Cour accompagnée de la forte recommandation de la part des services de police d’abandonner les poursuites ne suffisent pas : le ministère public finlandais compte encore prolonger la procédure pénale contre la parlementaire Päivi Räsänen et l’évêque Juhana Pohjola. Le 30 mars 2022, le tribunal régional de Helsinki les avait pourtant acquittés de toutes les charges, en statuant “qu’il ne revient pas au tribunal d’interpréter des principes bibliques”. Le ministère public a été condamné à payer les frais de justice, qui s’élèvent à plus de 60.000 euros.

Réagissant à la nouvelle, Päivi Räsänen a déclaré:

“Cela fait près de trois ans que ce procès pèse sur moi-même et sur les membres de ma famille. Maintenant que toutes les charges ont été levées, je suis consternée d’apprendre que le ministère public ne veut toujours pas arrêter cette campagne contre moi. Mais je suis prête à continuer : une fois de plus, je vais défendre la liberté d’expression et de religion, pas seulement pour moi, mais pour tout un chacun. Je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenue pendant ce calvaire et je leur demande de rester à mes côtés.”

Le procès se transforme en punition

L’ancienne ministre des Affaires intérieures avait été accusée de “discours haineux” après avoir partagé ses convictions, d’inspiration religieuse, sur le mariage et la sexualité. Elle avait  évoqué ces sujets dans un tweet et pendant une émission radio en 2019, ainsi que dans un livret publié en 2004. L’évêque, quant à lui, avait été accusé parce qu’il avait publié le livret de Räsänen à l’attention des membres de sa congrégation il y a 17 ans. Le procès a été suivi de près par les médias internationaux, alors que des experts en droits de l’homme se disaient très inquiets de la menace qui pesait sur la liberté d’expression en Finlande.

“La détermination avec laquelle le ministère public continue ce procès en ignorant le jugement sans équivoque et unanime du tribunal régional de Helsinki est alarmante. Entraîner une personnalité politique dans une procédure pénale qui n’en finit pas, lui faire subir des interrogatoires de police qui durent des heures, gaspiller l’argent du contribuable pour contrôler des convictions profondes : ces pratiques n’ont pas leur place dans une société démocratique. Comme souvent, dans des procès de “crime de haine”, c’est le procès lui-même qui fait partie de la punition” explique Paul Coleman, auteur du livre ‘Censored: How European Hate Speech Laws are Threatening Freedom of Speech’ (Censuré: Comment les lois européennes sur le discours haineux menacent la liberté d’expression).

Jugée pour un tweet

L’enquête policière contre Räsänen a débuté en juin 2019. En tant que membre active de l’Église évangélique-luthérienne de Finlande, elle avait envoyé un tweet aux responsables de son église pour les questionner sur leur décision de soutenir officiellement l’évènement LGBT ‘Pride 2019’, en ajoutant une photo d’un passage de l’Épître aux Romains. Ce tweet a donné lieu à des investigations supplémentaires, qui ont même remonté jusqu’à un livret religieux qu’elle avait rédigé il y a près de 20 ans.

Au cours des deux dernières années, Räsänen a dû subir de nombreux et interminables interrogatoires de police à propos de ses convictions chrétiennes, durant lesquels les forces de police lui ont fait développer son interprétation de la Bible à maintes reprises.

En avril 2021, le procureur général finlandais avait retenu trois charges criminelles contre Räsänen. Deux d’entre elles ont été retenues malgré la forte recommandation, de la part des services de police, d’abandonner les poursuites. Par ailleurs, les propos tenus par Räsänen n’enfreignaient en aucun sens les règles de Twitter ni celles de la chaîne radio nationale, ce qui explique pourquoi on peut encore les retrouver sur ces plateformes.

Le procès de la doctrine chrétienne

Pendant les auditions, qui ont eu lieu le 24 janvier et le 14 février, l’avocat de Räsänen, soutenu par l’association de défense juridique ADF International, a fait valoir qu’un jugement de culpabilité porterait gravement atteinte à la liberté d’expression en Finlande. Selon lui, les propos de Räsänen correspondent aux enseignements chrétiens.

Dans son jugement, la Cour a estimé que, même si certaines personnes peuvent désapprouver les propos en question, “il doit y avoir une justification sociale impérieuse pour interférer dans la liberté d’expression et pour la restreindre”, en concluant qu’une telle justification était absente dans cette affaire.

Le 30 mars 2022, le tribunal régional de Helsinki a acquitté Räsänen de toutes les charges. Cependant, à la différence de beaucoup d’autres juridictions, la loi finlandaise permet au procureur d’interjeter appel de tout verdict de non-culpabilité jusqu’à la Cour suprême de Finlande.

Räsänen est membre du parlement finlandais depuis 1995. Elle a présidé le groupe des Chrétiens Démocrates de 2004 à 2015 et a été ministre de l’Intérieur de 2011 à 2015, chargée entre autres des affaires religieuses.

 

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